« "Ces terres sont prémisses à l'amende" ».... Une petite phrase qui depuis de très nombreuses années interpelle notre président Alain Guile ! Il avait posé son regard sur cet avertissement lors d'un voyage à Guernesey, et cela a développé en lui une petite … obsession : les us, coutumes et le droit Normand sur les îles Anglo-Normandes.
Ce fut donc un plaisir pour lui, et pour nous, d'assister le dimanche 21 novembre en après-midi, au restaurant le « Petit baigneur », à ce Café Story que l'Amicale a organisé avec notre conférencier bénévole et attitré « Maître Alain Blancheton » !
Le voyage auquel il nous conviait, commençait par un panorama à la fois historique, géologique et bio-climatique qui partait de la préhistoire. (il ne faut pas oublier que Saint Brelade est l'un des sites les plus remarquables du peuplement néanderthalien, il y a plus de 200 000 ans) L'évolution du trait de côte, au gré des variations climatiques, a fait de Jersey une île il y a maintenant 7000 ans.
L'importance de l'impact de la romanité sur l'Europe entière était aussi rappelée, puisque la Normandie en a porté les marques, Rouen (Rotomagus) et Lillebonne (Luliobona) étaient de grandes entités urbaines, il y a déjà 2000 ans. Au IV ème siècle, le christianisme se développe et structure la société, mais aussi le territoire à travers les évêchés, Bayeux, Coutances, Avranches trois parmi les sept de toute la Normandie.
Mais vers l'an 800, au moment où Charlemagne domine l'Ouest de l'Europe, les invasions normandes commencent. D'abord sous la forme de raids de six mois, du printemps à l'automne. Des groupes de guerriers venant du Nord viennent explorer de nouveaux territoires et s'approprier les richesses rencontrées. Peu à peu, les normands s'installent, puis fond souche, et adoptent la religion chrétienne.
En l'an 911, le chef Normand Rollon reçoit le duché de Normandie du roi de France au traité de Saint Clair sur Epte. Rollon étant très attaché à la justice pour tous, la rigueur normande à la fois efficace et humaine, installe donc rapidement un état puissant et respecté.
Ainsi naît le droit coutumier normand qui est une façon de juger par rapport à des cas passés, comme une jurisprudence permanente donc, et non pas par rapport à des lois écrites, non modifiables.
Il n'y a pas d'articles de loi ainsi qu'on l'entend habituellement, mais une nomenclature de tous les problèmes qu'on peut rencontrer. Le texte original est en latin, puis en vieux français et en normand.
Il a subsisté en Normandie jusqu'en 1805, mais s'applique encore, dans les faits, toutes les deux ou trois générations. Le “grand coutumier” est toujours édité de nos jours pour Jersey et pour Guernesey, par les Courts de Justice.
Une édition présentée par M. Blancheton date de 2009. Comme dit plus haut, quelques coutumes héritées de ce droit subsistent encore dans les îles, ainsi, la célèbre clameur de haro.
(Ethymologiquement Haro viendrait de « à Rollon » mais il existe d'autres versions possibles et probables!
On dit “Pousser la clameur de haro”.
Le rituel est très codifié. Ainsi, elle doit être poussée lorsqu'un propriétaire estime qu'il y a dommage à l'intégrité de son patrimoine immobilier ou sur sa jouissance. Lorsque le Haro a été poussé, le dommage doit immédiatement s'arrêter, ou au plus tard, à la fin de la journée.
Monsieur Blancheton a eu la chance d'assister à une clameur, il y a seulement quelques années à Guernesey. Il nous raconte « Un homme voulait dénoncer la nom respect du permis de construire de son voisin, qui allant au delà de ce qui avait été accordé, lui bouchait maintenant la vue.
L'homme, un genou à terre, cria : "Haro, haro, haro, à l'aide, mon Prince, on me fait tort !" Toujours un genou à terre, il récita le "Notre Père" en français, dans sa version d'avant Vatican 2. La clameur de haro fut alors enregistrée par un huissier de justice en présence de deux autres témoins. Les travaux dénoncés s'arrêtèrent immédiatement, dans l'attente de la décision de la Cour de Justice qui est dans l'obligation de statuer. »
Il est à noter qu'une peine est encourue si la clameur est poussée avec volonté de spolier la loi ou la personne. Ce cas ne se présente pratiquement jamais, les Jersiais étant très respectueux de leur droit.
Aujourd'hui encore, d'autres traditions issue de coutumes normandes subsistent. Ainsi, le “branchage” (prononcer “brankage”), ou l'obligation pour les riverains des routes de tailler les haies de façon à ce que la circulation ne soit pas altérée, avec inspection à une date donnée, à la fin du printemps.
Ou encore, la publication du rôle des impôts de chaque paroisse (commune) de l'île, avec le niveau de revenus de chacun.
Alain Blancheton à la fin de cet aperçu sur la particularité des îles au niveau du droit, nous rappelle également quelques notions dont il serait bon de se souvenir de nos jours, à savoir : - Les îles Anglo-Normandes sont des états indépendants. Elles ont leur propre gouvernement, frappent leur propre monnaie, émettent leurs propres timbres etc … et pour l'anecdote elles sont les seules entités au monde à avoir 3 langues officielles, l'anglais, le français et le jèrriais !
- Elizabeth II d'Angleterre n'est pas reine sur les îles mais DUC.
Elle ne fait que signer en séance privée (hors chambres Britanniques) les nominations telle celle du gouverneur qui sera son représentant sur les îles. Elle interviendra en tant que reine dans les grandes décisions dues à des périodes graves telles les guerres, les Iles acceptant alors, pour un temps, d'être sous le régime de la Royauté
- De par ce statut d'indépendance, les îles Anglo-Normandes n'ont JAMAIS fait partie de l'Union Européenne, refusant à l'époque d'en faire partie. Elles n'ont donc JAMAIS votées pour ou contre le Brexit puisqu'elles n'étaient pas du tout concernées. Les eaux Jersiaises et Guernesiaises sont donc propriétés des îles et non de la Grande Bretagne …. Les hommes politiques devraient peut-être s'en souvenir afin d'apaiser une situation devenue trop grave entre cousins Normands pêcheurs ou non.
Merci à Alain Blancheton pour cette belle conférence qui a permis de nous retrouver, dans un cadre à la décoration sympathiquement vintage. Pour ceux que cela intéresserait des livres existent sur le statut particulier des îles, dont l'un est « Droit de l'île de Jersey » par l'avocat maître Lemazurier.
Un grand Merci à Isabelle et à Hervé, les patrons du “Petit Baigneur” pour la belle hospitalité qu'ils nous ont accordée, et à Philippe pour sa grande disponibilité dans son service en salle au cours de la conférence.
LA PROCHAINE CONFERENCE AURA LIEN AU PRINTEMPS 2022
LE THEME POURRAIT EN ETRE …..... SARK , L'ILE MOYEN.AGEUSE
Une fois encore, saluons !!! LA REINE NOTRE DUC !!!
Quelques exemples récents de cris de Haro:
Le Journal "Le Monde" avait aussi noté ces "terres à l'amende" à Guernesey:
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